L’art culinaire autochtone en Colombie-Britannique : un retour aux sources

Une cuisine ethnique ancestrale, celle des Amérindiens de la Côte Ouest du Canada, a fait récemment son entrée dans les assiettes de quelques restaurants et dans plusieurs centres culturels autochtones de la Colombie-Britannique.
Curiosité touristique ou cuisine branchée ?

Profitant de la générosité de la terre et de l’océan, les Première Nations de la C.-B. connurent la prospérité durant des millénaires. Pêcheurs, chasseurs et cueilleurs, ils formaient des groupes familiaux solides, menant un style de vie semi-nomade des Rocheuses aux rivages du Pacifique.

Profondément animistes, ils possèdent des gardiens tel le loup pour le chasseur ou le saumon pour le pêcheur. Leurs croyances s’expriment dans leurs danses, leurs chants et leurs légendes, comme celle des Nue-Chah-Nulth qui raconte que durant la chasse à la baleine, l’épouse du Chef devait rester au lit sans bouger, sinon le mammifère risquait d’échapper aux pêcheurs !

Dans le passé, les festins longuement préparés étaient l’attraction principale des cérémonies, comme le potlatch marqué par les dons en nourriture que s’échangeaient diverses tribus, témoignant ainsi de leur vitalité et de leur rivalité symbolique. Ces fêtes servaient donc indirectement à la transmission du savoir-faire culinaire par les Aînés qui pensaient que la nourriture lie la famille à la communauté et à l’au-delà.

Tandis qu’à l’est des Rocheuses, les hommes vivaient principalement de la chasse, la population côtière dépendait de la pêche, et le saumon était leur aliment de base. Dans le nord-ouest de la C.-B., l’eulakane était pêché pour son huile utilisée comme condiment et denrée pour les échanges commerciaux. Durant les potlatchs, une grande quantité de cette huile était gaspillée par les hôtes la faisant crépiter sur le feu pour étaler leur richesse !

La chasse et la pêche étaient affaire d’hommes, tandis que le ramassage des fruits de mer, la cueillette des baies, des racines et des plantes, ainsi que la conservation des aliments étaient assurés par les femmes.

Le cycle de vie des saumons variant entre un et deux ans selon les espèces, les Autochtones conservaient la majorité de leurs prises pour l’hiver. Soit ils les sèchaient au soleil, les emballaient dans de l’écorce de bouleau, puis les entreposaient dans une cave, soit ils les fumaient, comme certaines venaisons, dans une baraque en cèdre au dessus d’un feu de bois d’aulne avant de les conserver dans des boites en bois.

Les baies étaient écrasées, cuites dans des boites de cèdre avec des pierres brûlantes, puis séchées sur un treillis recouvert de feuilles de chou placé au dessus d’un petit feu avant d’être compressées en blocs pour la conservation. Cette denrée était troquée contre des fruits de mer, ou servait d’en-cas lors des déplacements.

Les femmes s’occupaient également de cuire les aliments au feu de bois, dans des fours souterrains ou dans des boîtes en cèdre remplies d’eau bouillie à l’aide de pierres brûlantes.

Hormis le saumon apprêté de mille façons, les Autochtones confectionnaient des plats aux parfums complexes avec une multitude de produits du terroir : chevreuil rôti aux baies de genévrier, ragoût de gibier aux chanterelles, oeufs de hareng sur algues toastées, morue charbonnière fumée, betteraves glacées aux mûres, etc. En accompagnement, figuraient l’huile d’eulakane pour la trempette, et le pain bannock ou la banique, un pain légèrement frit, réplique des griddle scones fabriqués au 18e siècle par les trappeurs écossais.

Ce mode de vie en symbiose avec la nature changea brutalement avec l’arrivée au 19e siècle des Européens qui saisirent les terres des Premières Nations et leur imposèrent leurs lois. Les potlatchs furent interdits, et dès l’apparition de la pêche commerciale et des conserveries, ils durent même payer leur permis de pêche ! Il fallut attendre jusqu’en 1990 pour que Ia Cour Suprême du Canada statue que sous réserve de la conservation des océans, le droit ancestral détenu par les Autochtones de pêcher à des fins alimentaires, sociales et cérémonielles avait préséance sur tous les autres types de pêche.

Depuis quelques décades, la culture des Premières Nations de la Colombie-Britannique connait une résurgence, et le tourisme autochtone est aujourd’hui en plein essort. Si les galeries d’arts et centres culturels y foisonnent, c’est timidement que la cuisine aborigène apparait dans les assiettes. À Vancouver par exemple, il existe un unique restaurant de cuisine autochtone authentique qui a ouvert ses portes en 2010 et qui s’est fait depuis une sérieuse réputation : Salmon n’Bannock Bistro 

Ce restaurant, où vous serez accueillis en français par la propriétaire et experte gastronomique, Inez Cook de la Nation Nuxalk, vous propose des mets délicieux, préparés avec des produits du terroir, comme la mousse de saumon BBQ, les champignons sur bannok toasté, le Ojibway Wild Rice Pilaf, des plats de venaison, le tout agrémenté de condiments rares comme la gelée de cèdre etc.

Ailleurs dans Vancouver, vous reconnaitrez facilement le camion rouge de la cantine de rue du Chef Paul Natrall de la Nation Squamish : Mr. Bannock.

Toujours à Vancouver, le BigHeart Bannock Cultural Café, dirigé par Lauraleigh Paul de la nation Coast Salish, qui a ouvert ses portes en juillet 2017 rue Venables, vous attend aussi pour le brunch au Skwachàys Lodge sur Pender Street, durant le week-end.

À Victoria, une autre cantine de rue autochtone vous propose des mets simples utilisant des ingrédients ou recettes authentiques : Songhees Seafood & Steam.

En région Il y a aussi les Kekuli Café installés à Merritt et à Westbank. Ouverts pour le petit déjeuner et déjeuner jusqu’en début de soirée, le pain bannock y est à l’honneur à travers  différentes recettes accompagnées de salades et de délicieux smoothies.

Mises à part ces quelques exceptions, et quelques autres dans les restaurants de grands hôtels ou de Resorts, et dans quelques centres culturels pour des occasions saisonnières orientées vers les tours, cette cuisine traditionnelle, par essence ” branchée ” puisque elle est du terroir, reste encore méconnue.

Cependant, grâce à l’offre récente de programmes d’art culinaire autochtone en C.-B., notamment au Vancouver Community Centre, il se peut que cette situation change rapidement. En effet, durant les JO 2010, cette école fut le traiteur du Pavillon Aborigène des Quatre Nations où les visiteurs du monde entier, dont les médias, purent déguster des mets traditionnels, une occasion magnifique de mettre de l’avant l’art culinaire de nos Premières Nations et d’en faire plus qu’une curiosité touristique, comme le sont encore aujourd’hui, pour beaucoup de visiteurs, leurs mâts totémiques et leurs célébrations ancestrales !

Pour une liste des musées, sites patrimoniaux, centres culturels, galeries d’art et studios d’artistes autochtones, visitez : Indigenous Tourism BC